Ah, la pub. Ses petits slogans. Ses petits écriteaux qui vantent les méritent d’un produit ou d’un service parfait. Ses petites phrases, qui viennent se nicher dans un coin du cerveau, jusqu’au jour où vous les ressortez spontanément, comme par magie, parce que vous avez un problème à résoudre et que la pub vous a martelé une solution toute trouvée.
C’est bien pratique.
Mais c’est pas pour les dentistes.
En tout cas, pas pour aujourd’hui.
Oui, mais demain ?
La règle, en France, c’est l’interdiction pure et simple de toute publicité pour les dentistes. Elle est inscrite dans le code de la santé publique : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale. »
Actions de référencement payant sur internet, affichage des notations des patients ou des compétences particulières mais non certifiées… Tout ça est interdit.
Et puis il y a ceux qui dérogent – un peu – à la règle. Comme ce cabinet dentaire dont l’enseigne est éclairée jour et nuit (Oh my God!), qui propose des newsletters, des fiches conseils et des vidéos à ses patients sur son site internet. Il indique aussi – dans les pages jaunes – assurer les urgences en journée sur appel téléphonique (quelle audace!).
Ceux-là se font taper sur les doigts.
Avertissements, interdictions d’exercer… Les sanctions disciplinaires pleuvent, inévitablement.
Selon le Conseil d’Etat, faire de la pub, c’est mettre à disposition du public un contenu objectif qui vise à promouvoir, auprès de patients éventuels, l’activité du dentiste.
Pour l’ordre des chirurgiens-dentistes, ça pouvait jusque-là passer par la publication d’un article qui vante les traitements réalisés, par une enseigne un peu trop voyante… ou juste un peu trop éloignée du cabinet !
Bref, c’était un peu vaste… Et entre information (autorisée) et publicité (interdite), la frontière est parfois très mince. Les garants de la profession le savent. Franchement conservateurs, un peu paranos face aux dérives potentielles, l’ordre tendait parfois à considérer comme de la pub ce qui n’en est pas franchement…
… Et la cour de justice de l’Union européenne n’est pas tout-à-fait d’accord avec ça. Alors, le 4 mai 2017, elle a jugé – à propos d’une affaire belge – qu’une interdiction générale et absolue de toute publicité pour des prestations de soins buccaux et dentaires était contraire au droit européen. OK pour un encadrement de la pub, mais il doit être moins restrictif. Tels sont – en substance – les mots de la CJUE.
Comme la France est sensée respecter le droit européen, le gouvernement a aussitôt saisi le Conseil d’Etat, qui a rendu une étude le 3 mai 2018. Soit pile un an plus tard. Conclusions du rapport ? Face au déploiement d’internet, à l’exigence des patients sur la transparence et l’explication des soins, et devant la nouvelle jurisprudence européenne, l’interdiction de la publicité dentaire à la française semblait sérieusement obsolète. Sans parler de pub à proprement parler, le Conseil d’Etat proposait donc une libre-communication « non commerciale, loyale et honnête », très encadrée et respectant la déontologie professionnelle. (Et, accessoirement, un allègement des interdictions concernant les panneaux…).
Saisie par un dentiste français, cette fois, la cour européenne a confirmé elle aussi dans un avis du 23 octobre 2018 que le droit français en matière de pub dentaire était à revoir.
A son tour, en France, l’autorité de la Concurrence a été saisie et a rendu deux avis dans le même sens en 2019.
Cette fois, tout le monde avait été saisi, tout le monde s’était prononcé explicitement, et tout le monde était tombé d’accord.
Le 5 novembre 2019, l’ordre des chirurgiens dentistes a donc publié une nouvelle charte relative à la communication des dentistes: http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/uploads/media/charte_publicite___communication_20062019.pdf
Les nouveautés ?
La signalétique des cabinets dentaires s’est assouplie, les dentistes peuvent mentionner certaines de leurs spécialités non reconnues (mais figurant dans la liste énumérée par l’ordre…) … Et c’est à peu près tout !
Pour s’y retrouver, l’ordre a publié une liste de questions réponses sur ce que le dentiste peut faire ou non : http://www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/actualites/annee-en-cours/actualites.html?tx_ttnews%5Btt_news%5D=831&cHash=050a43700d9166deb95dc2bb7294cd22
Concrètement, ça reste encore assez restrictif. L’avenir nous dira ce qu’en pense l’Europe…
De leur côté, les centres de santé dentaires ne sont pas soumis au code de déontologie des dentistes. Du coup, l’interdiction générale posée par le code de la santé publique ne les concerne pas.
Ce qui n’a pas empêché certains centres de santé dentaires d’être condamnés pour concurrence déloyale.
En avril 2017, par exemple, deux centres de santé ont été condamnés pour avoir fait de la pub sur leurs prestations dentaires, au détriment des cabinets dentaires voisins.
Cette jurisprudence a pu susciter les débats…
… Auxquels l’ordonnance 2018-17 du 12 janvier 2018 a finalement mis un terme.
Depuis le 1er avril 2018, donc, les centres de santé n’ont plus le droit de faire de la pub.
Et c’est non équivoque. L’ordonnance l’écrit noir sur blanc : » Toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite. »