Initié dans les années 70, le concept d’EBM (Evidence Based Medecine) a modifié la prise en charge du patient et de sa maladie. Maintenant, le praticien n’est plus seul face à un cas mais bénéficie de l’expérience partagée de ses confrères du monde entier. Plus qu’un phénomène de mode, il s’agit d’une véritable révolution scientifique dans le monde de la santé et plus particulièrement de la santé bucco-dentaire.
La pratique dentaire doit reposer sur un engagement pour une science solide et l’obligation éthique de protéger la santé du patient. Pour cela, les références bibliographiques sont souvent utilisées comme l’argument ultime permettant de justifier tout type d’affirmation scientifique ou médicale. Dans sa présentation lors congrès annuel de la SSO (Société suisse des médecins-dentistes) en 2020, le Dr Rino Burkhardt, dentiste à Zurich, a rappelé l’importance de l’évidence scientifique. Il a cité trois conditions nécessaires à la mise en œuvre d’une médecine basée sur les preuves : des réponses claires à des questions précises, des objectifs communs à tous les scientifiques et des idéologies claires pour une médecine fondée exclusivement sur des preuves empiriques. Et de constater que la quantité d’études publiées dans le domaine de la médecine dentaire est énorme. Et que même si la qualité des études s’est améliorée ces dernières années, les cliniciens rencontraient encore de nombreuses difficultés pour mettre en œuvre les évidences externes chez les patients. Si l’évidence scientifique reste au cœur des apprentissages et de la pratique professionnelle, elle peut malgré tout se retrouver en décalage avec les propres attentes, besoins, expériences et possibilités financières du patient. Le praticien se doit donc de mettre en œuvre l’évidence scientifique de manière à proposer le traitement optimal à chacun de ses patients.
C’est dans ce contexte qu’est apparu au Canada dans les années 70, le concept de médecine basée sur l’évidence, ou evidence-based medicine (EBM). On peut le définir comme « l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données disponibles pour la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient, une pratique d’intégration de chaque expertise clinique aux meilleures données cliniques externes issues de recherches systématiques ». En somme, il s’agit d’identifier dans la littérature médicale les meilleures données disponibles alliés à l’expérience clinique du praticien et aux valeurs individuelles et aux préférences du patient. Cette approche, initiée par Archie Cochrane en 1972 ne fut reconnu comme base d’enseignement qu’en 1992, pour être appliqué plus spécifiquement à la dentisterie en 1995. Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce concept implique bien la prise en considération de l’expertise clinique des praticiens, les besoins et préférences des patients et les plus récentes preuves cliniques jugées pertinentes pour aboutir à un standard de soins amélioré.
La mise en pratique comprend différentes étapes :
étape 1 : transformer les besoins d’information (sur la prévention, le diagnostic, le pronostic, le traitement, l’étiologie…) en une question clinique claire et précise à laquelle on peut répondre ;
étape 2 : rechercher les meilleurs articles scientifiques disponibles pour répondre à cette question ;
étape 3 : évaluer ces travaux de manière critique (fiabilité) et leur intérêt (applicabilité) et en extraire les preuves qui permettront de « grader » (classer) la décision clinique.
D’abord développée comme un ensemble de techniques pédagogiques de lecture et d’évaluation de la qualité scientifique de la littérature médicale, l’EBM est maintenant utilisée par des gestionnaires, des cliniciens, et ce, pour des objectifs aussi divers que le renouvellement de la pédagogie médicale, l’aide au jugement clinique ou encore comme justification de programmes de rationalisation des ressources financières et matérielles dans l’organisation des soins.
Peggy Cardin-Changizi
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